Politique en santé mentale
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Il faut aussi noter que l’insuffisance des services et des ressources de soutien social et d’intégration sociale, conditions garantissant la réussite du mouvement de désinstitutionnalisation, a aussi amené les associations de parents et d’amis à former des groupes de pression pour réclamer de l’État les ressources adéquates et nécessaires à l’intégration du patient psychiatrique.
Les partenaires désignés sont la personne aux prises avec des problèmes de santé mentale, les familles ou les proches, les groupes communautaires et les intervenants du réseau des services de santé et des services sociaux. La mise à contribution de ces partenaires porte sur la planification et la conception de services devant s’opérer à deux niveaux, au niveau de la personne et au niveau de chacune des 16 régions administratives. Dans le premier cas, il s’agit du plan de services individualisé (PSI) et dans le second cas, du plan régional d’organisation de services (PROS) dont les conseils régionaux ont le mandat d’en assurer la coordination. C’est la notion de besoin, circonscrite dans une approche bio-psycho-sociale de la santé mentale, qui est mise de l’avant comme principe mobilisateur des partenaires désignés dans l’élaboration des PSI et des PROS. De plus, la désinstitutionnalisation demeure une priorité gouvernementale.
Cinq orientations de la politique :
- assurer la primauté de la personne – Ceci implique : «[…] le respect de sa personnalité, de sa façon de vivre, de ses différences et des liens qu’elle entretient avec son environnement. C’est également miser sur ses capacités, tenir compte de son point de vue, favoriser sa participation et celle de ses proches.» (Politique de santé mentale,1989, p. 23) La primauté de la personne représente le chapiteau des quatre autres orientations de la Politique.
- Accroissement de la qualité des services
- La répartition équitable des ressources en fonction des besoins
- Rechercher des solutions dans le milieu de vie
- Consolider le partenariat «suppose la mobilisation concertée de la personne, de ses proches, des intervenants, de la communauté, des ressources publiques et de celles du milieu.
La reconnaissance des groupes communautaires se pose inévitablement dans l’optique où le gouvernement entend poursuivre le mouvement de désinstitutionnalisation. D’ailleurs, organismes communautaires et désinstitutionnalisation sont deux thèmes traités à la même rubrique du plan d’action de la Politique, pour des solutions dans le milieu de vie des personnes. La reconnaissance des groupes communautaires par le gouvernement se justifie par le fait qu’ils offrent déjà des ressources intégrées dans les communautés. Le gouvernement est bien entendu intéressé par ces groupes parce qu’ils coûtent moins cher à subventionner (bénévolat, personnel non syndiqué) que les structures du réseau public. Or, les groupes communautaires ne peuvent assumer toutes les ressources nécessaires pour la simple raison qu’ils ne sont pas assez nombreux. Le communautarisme dans la distribution des services de santé et des services sociaux est à construire et représente une solution plus avantageuse pour garantir la qualité et l’accessibilité aux services qu’une privatisation (Vaillancourt, 1996). Pour ce faire, le gouvernement doit compter sur les ressources humaines du secteur public de la santé, ce qui exige toutefois qu’une partie de celles-ci sorte de l’hôpital. Ce transfert n’est pas sans poser quelques difficultés et représente un enjeu sociopolitique important dans le contexte où l’État est en train de redéfinir son rôle dans la distribution des services. Cela entraîne la redéfinition des rôles et territoires d’un secteur traversé par plusieurs groupes d’intérêts qui défendent avec raison leurs privilèges par crainte et de perdre leur emploi ou que leurs conditions de travail et salariales se dégradent. La communautarisation ne représente pas automatiquement un phénomène qui est positif en soi pour la qualité des emplois et des services, comme l’explique Vaillancourt (1996). Il faut que les acteurs sociaux, et plus précisément les groupes communautaires et le personnel du secteur de la santé et des services sociaux parviennent, en collaboration, à imposer politiquement le respect de certaines conditions qui permettront d’assurer des emplois durables, décents et des services de qualité.
Le Ministère devant tenir compte de la crise financière de l’État-providence a toutefois opté pour une toute autre stratégie afin de financer les ressources à instaurer dans les communautés. Les grandes lignes de cette stratégie furent élaborées dans la Politique de santé mentale (1989). Cette stratégie est triple. Premièrement, les hôpitaux psychiatriques ont la directive de planifier la fermeture de lits. Chaque établissement psychiatrique doit obligatoirement élaborer un plan de désinstitutionnalisation. Il doit prévoir le transfert des personnes des hôpitaux et la réallocation des ressources à l’extérieur de l’hôpital dans le but de suivre les patients dans la communauté. De plus, les plans de désinstitutionnalisation doivent être conçus en lien avec les plans de service individualisé et les plans régionaux d’organisation des services (PROS) de chacune des 16 régions administratives. Une hypothèse circulant au ministère de la Santé et des Services sociaux jugerait ainsi souhaitable d’abaisser d’ici l’an 2000 le nombre de lits psychiatriques de 1,0 lit par 1 000 habitants à 0,4 lit par 1 000 habitants. Deuxièmement, la réduction du nombre de lits va permettre de réaliser des économies qui devront permettre une réallocation de fonds vers les ressources oeuvrant dans les communautés (Politique de santé mentale, 1989). À ce sujet, une autre hypothèse considérée au ministère de la Santé et des Services sociaux voudrait que l’on vise, d’ici à cinq ans, à ce que les services intrahospitaliers et extrahospitaliers se partagent moitié moitié le budget alloué à sQ¢ Défis de la reconfiguration des services de santé mentalela santé mentale. On peut se demander quel pourcentage du 50 % réservé aux services extrahospitaliers pourrait aller aux ressources communautaires? Troisièmement, s’appuyant largement dans son plan de réaménagement du réseau de la santé mentale sur les groupes communautaires, le Ministère fit d’eux des partenaires devant décider avec les autres de la planification et de la réorganisation des services au niveau de chaque région. C’est dans le cadre de cette planification, sous la responsabilité des régies régionales, que les groupes communautaires doivent s’entendre avec les autres partenaires sur le partage de l’assiette budgétaire en santé mentale, éventuellement allouée à chacune des 16 régions. Cela signifie que les ressources communautaires reçoivent désormais des subventions par l’entremise des conseils régionaux31 «à la condition de s’inscrire toutefois dans la gamme de services régis par les plans [régionaux] d’organisation de services (Morin, 1992, p.25)» Or, les organismes communautaires ne sont pas en position de pouvoir pour dicter leurs conditions aux comités tripartites chargés de la planification régionale des services (Boudreau, 1991a, 1991b; Turgeon et Landry, 1996