Nouveau gouvernement à Québec : quelles perspectives pour le prochain PASM?

24 avril 2014. – Un nouveau gouvernement majoritaire a été élu le lundi 7 avril 2014 et la composition du conseil des ministres a été annoncée hier à l’assemblée nationale du Québec. Ce nouveau gouvernement, mené par monsieur Philippe Couillard, prévoit déposer son premier budget en juin prochain. En attendant, le suspens demeure pour le très attendu nouveau Plan d’action en santé mentale (PASM), quatre années après la fin du dernier!

Les dossiers en santé mentale, particulièrement pour les organismes communautaires qui accompagnent les gens vivants ou ayant vécu des problèmes de santé mentale et leurs proches, n’ont été abordés par aucun des différents partis politiques. Pendant la campagne électorale, le réseau COSME a fait parvenir à l’ensemble des partis une plate-forme en santé mentale basée sur ses 35 propositions du milieu communautaire. De plus, plusieurs organisations se sont réunies pour interpeller les partis sur les enjeux de santé mentale dans un communiqué de presse commun… sans succès!

Dans leur plateforme électorale, les engagements en santé du Parti Libéral du Québec consistaient essentiellement à créer 50 super-cliniques, augmenter le nombre de groupes de médecins de famille (GMF) et éliminer graduellement la taxe santé. Dans leur cadre financier, on retrouvait l’énoncé suivant : «Les missions essentielles de l’État, la santé et l’éducation seront protégées. Les budgets de la santé et de l’éducation augmenteront respectivement de plus de 4 % et de 3,5 % par année. Les crédits des autres ministères seront globalement gelés pour une période de 5 ans. Pour la durée du cadre financier, la croissance des dépenses sera maintenue sous 3 %.»

On peut se rappeler que monsieur Philippe Couillard, alors ministre de la Santé et des Services sociaux, a piloté le lancement du dernier Plan d’action en santé mentale 2005-2010, qui misait sur le rapprochement des services de première ligne des besoins de la population en santé mentale.

En introduction du Plan d’action en santé mentale 2005-2010, monsieur Couillard écrivait : «Dans notre entourage, nous connaissons toutes et tous des personnes qui ont des problèmes de santé mentale. Ces personnes que nous côtoyons sont des citoyennes et des citoyens à part entière. Leur rétablissement n’est pas une utopie, mais une ambition réalisable.
Le temps était venu d’accorder à l’organisation et à l’accessibilité des services en santé mentale la même attention qu’historiquement nous avons accordée aux problèmes de santé physique. D’ailleurs, la santé mentale a été identifiée par notre gouvernement comme axe prioritaire d’intervention
».

Nous pouvons imaginer que les différents efforts d’évaluation et d’analyse réalisés depuis par le ministère et par le Commissaire à la santé et au bien-être, ont dû dans une certaine mesure décevoir les attentes des concepteurs de ce PASM. En effet, en 2012, le Commissaire à la santé et au bien-être se montrait très critique vis-à-vis de son application sur le terrain : «Pour implanter le Plan d’action 2005-2010, peu de nouveaux fonds ont été rendus disponibles et les transferts de ressources entre établissements ou services ne se sont pas faits à la hauteur des objectifs ciblés. La priorisation du programme de santé mentale au sein du MSSS est restée somme toute grandement théorique…» (État de situation sur la santé mentale au Québec, 2012, p.173).

«Pour ce qui est des organismes communautaires, le Commissaire constate qu’ils ne sont pas reconnus à leur juste valeur. Dans un système de santé et de services sociaux qui vise la consolidation des soins et services de première ligne et un rétablissement dans la communauté des personnes aux prises avec des troubles mentaux, le sous-financement des organismes communautaires – tout comme le manque de reconnaissance de leur expertise qui semble y être associé – apparaît comme un axe incontournable pour des gains significatifs. Dans l’optique de remédier à cette situation, le Commissaire considère qu’il est urgent de donner aux organismes communautaires les moyens financiers pour jouer pleinement leur rôle dans le secteur de la santé mentale» (Pour plus d’équité et de résultats en santé mentale au Québec, 2012, p.99).

Face à ces constats plus que mitigés et à l’ampleur des besoins actuels, quelles seront les orientations que monsieur Couillard, maintenant premier ministre du Québec, transmettra au nouveau ministre de la Santé et des services sociaux, monsieur Gaétan Barrette?

Lors de la nomination de ses ministres hier, les propos de monsieur Couillard laissent plutôt présager des mesures d’austérité, alors que nous pouvons douter de la capacité du système de santé et des services sociaux à subir de nouvelles compressions sans conséquences néfastes sur la santé des québécois et québécoises?

Le 28 janvier dernier, l’ancien ministre de la Santé et des Services sociaux, Réjean Hébert, avait organisé et présidé un forum national sur le prochain Plan d’action en santé mentale (PASM) 2014-2020. Lors de cette journée chargée, des représentant-e-s des associations nationales, des établissements et des corporations professionnelles en lien avec la santé mentale avaient passé en revue tous les éléments du document de consultation.

Plusieurs thèmes avaient été soulevés par le milieu communautaire et par d’autres représentant-e-s : le respect des droits, la prévention et la promotion de la santé mentale, la stigmatisation et le suicide, l’exclusion zéro pour le logement, l’emploi et l’éducation, la médicalisation (pharmaceutique !) des problèmes sociaux, l’implication des personnes usagères à tous les niveaux, l’accès aux services, les groupes d’entraide, l’intersectorialité, l’accès à la psychothérapie et bien d’autres éléments.

De plus, plusieurs interventions des corporations professionnelles et des établissements montraient bien les liens faits et à faire avec le communautaire. L’ex-ministre Hébert lui-même avait écrit à l’issue du forum : «Les organismes communautaires détiennent aussi une expertise importante en santé mentale et le renforcement de la collaboration entre ces intervenants et le réseau de la santé doit être accru. Certains de ces organismes jouent notamment un rôle clé dans le soutien des personnes souffrant de troubles de santé mentale et de leurs proches».

Le réseau COSME avait participé activement au forum et avait fait parvenir au ministre et au ministère un texte reprenant les idées qu’il avait pu y exprimer. Nous espérons qu’au moins certaines d’entre elles seront reprises par monsieur Barrette et son équipe.

Plus que jamais la pétition du réseau COSME qui a recueilli près de 1 200 signatures sur le site de l’Assemblée nationale apparaît pertinente. Elle demande au gouvernement du Québec de déposer un nouveau projet de Plan d’action en santé mentale et de le soumettre à une large consultation publique, comprenant des audiences régionales, afin de procéder aux ajustements requis avant sa mise en œuvre. En raison du déclenchement des élections, la pétition n’a pu être déposée à l’Assemblée nationale, mais elle le sera à la prochaine session parlementaire.

Nous attendons donc que le nouveau ministre de la santé dépose rapidement et en consultation avec les milieux, un nouveau projet de Plan d’action en santé mentale qui se base sur les analyses existantes et disposant de moyens, notamment financiers, conséquents!